En résumé
- Louis-Guillaume Perreaux dépose le premier brevet mondial connu de moto le 26 décembre 1868
- Sa machine à vapeur atteignait selon les dires 40 km/h, performance remarquable pour l’époque
- Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach créent leur Reitwagen à moteur à explosion en 1885
- La postérité retient davantage Daimler car son invention correspond à notre vision moderne de la moto
- Perreaux reste méconnu car sa technologie vapeur semblait archaïque face au moteur à explosion
L’histoire officielle attribue souvent l’invention de la moto aux Allemands Daimler et Maybach. Pourtant, 17 ans plus tôt, un serrurier parisien révolutionnait déjà la mobilité avec sa géniale machine à vapeur. Cette méconnaissance révèle comment la postérité peut parfois oublier les vrais pionniers.
Louis-Guillaume Perreaux : le véritable père de la motocyclette
L’inventeur français mérite amplement le titre de créateur de la première motocyclette au monde. Son parcours d’autodidacte génial illustre l’esprit d’innovation du Second Empire.
Un serrurier visionnaire
Louis-Guillaume Perreaux naît en 1816 à Almenêches, dans l’Orne. Fils d’agriculteur, il s’installe à Paris comme serrurier-mécanicien et développe rapidement une passion pour les machines à vapeur. Son atelier de la rue de Rivoli devient un laboratoire d’expérimentation où il perfectionne ses inventions.
Perreaux possède cette intuition géniale des grands inventeurs : comprendre que la vapeur, déjà utilisée pour les trains et bateaux, peut propulser un véhicule individuel léger. Cette vision révolutionnaire le pousse à adapter un vélocipède Michaux avec son propre moteur à vapeur.
Le brevet historique du 26 décembre 1868
Ce jour-là, Perreaux dépose à l’Institut National de la Propriété Industrielle le brevet n°83691 pour son “vélocipède à vapeur”. Ce document officiel constitue la première protection juridique mondiale d’une motocyclette.
Sa machine révolutionnaire combine un cadre de vélocipède renforcé avec un moteur à vapeur monocylindre de sa conception. L’ensemble pèse environ 60 kg et développe une puissance d’un cheval-vapeur, permettant d’atteindre selon les dires 40 km/h lors des essais sur les routes parisiennes.
Les prouesses techniques de la machine Perreaux
L’invention française présente des innovations remarquables pour l’époque. Le moteur à vapeur, alimenté par une chaudière tubulaire, actionne directement la roue arrière par un système de bielles et manivelles. Cette transmission directe, bien que rudimentaire, préfigure les solutions mécaniques futures.
Selon certains historiens : “La machine de Perreaux réunissait déjà tous les éléments constitutifs d’une motocyclette : cadre rigide, roues directrices, propulsion mécanique autonome”. Cette analyse souligne la pertinence technique de l’invention française.
Les performances attestées impressionnent : autonomie de 20 kilomètres, vitesse maximale de 40 km/h, capacité à gravir des côtes. Ces caractéristiques surpassent largement les possibilités des vélocipèdes à pédales de l’époque, démontrant la révolution technologique accomplie.
Gottlieb Daimler et Wilhelm Maybach : les pères de la moto moderne
Dix-sept ans après Perreaux, les ingénieurs allemands révolutionnent à leur tour la motocyclette avec une approche radicalement différente. Leur Reitwagen de 1885 inaugure l’ère du moteur à combustion interne.
Une philosophie technique opposée
Daimler et Maybach ne cherchent pas initialement à créer une motocyclette, mais à tester leur nouveau moteur monocylindre quatre temps avant son adaptation automobile. Cette approche pragmatique les conduit à concevoir une machine plus légère et plus maniable que les prototypes à vapeur.
Leur Reitwagen développe seulement 0,5 cheval-vapeur pour un poids de 90 kg, mais sa simplicité d’utilisation révolutionne le concept. Plus besoin de temps de chauffe, d’eau ou de charbon : quelques tours de manivelle suffisent pour démarrer le moteur à essence.
L’avantage décisif du moteur à explosion
Cette technologie présente des avantages pratiques considérables face à la vapeur. Le moteur à combustion interne démarre instantanément, pèse moins lourd et offre une autonomie supérieure. Ces qualités expliquent pourquoi cette voie technique s’impose rapidement dans l’industrie naissante.
Wilhelm Maybach confie dans ses mémoires : “Notre objectif était la simplicité d’usage. Une machine que tout homme pourrait utiliser sans formation technique particulière”. Cette vision démocratique de la mobilité individuelle correspond parfaitement aux aspirations de l’époque.

Pourquoi l’histoire a-t-elle oublié Perreaux ?
Cette injustice historique s’explique par plusieurs facteurs qui ont favorisé la reconnaissance posthume des inventeurs allemands au détriment du génie français.
Le handicap de la technologie vapeur
La machine de Perreaux, malgré ses performances remarquables, souffre des contraintes inhérentes à la vapeur. Le temps de chauffe de 15 minutes, la nécessité de transporter eau et combustible, la complexité d’entretien freinent son adoption commerciale.
À l’inverse, le moteur à explosion de Daimler correspond davantage à notre conception moderne de la moto : démarrage instantané, facilité d’usage, légèreté relative. Cette proximité conceptuelle explique pourquoi la postérité retient plus facilement le Reitwagen comme ancêtre de nos machines actuelles.
L’absence de suite industrielle
Perreaux ne parvient pas à développer industriellement son invention. Les contraintes financières, l’absence de partenaires industriels et les limites techniques de la vapeur condamnent sa machine à rester un prototype génial mais sans descendance commerciale.
Daimler et Maybach, soutenus par des capitaux allemands et une industrie mécanique développée, peuvent perfectionner leur invention et la diffuser. Cette capacité d’industrialisation assure la pérennité de leur contribution à l’histoire motocycliste.

Le poids de l’historiographie allemande
L’industrie automobile allemande, dominante au XXe siècle, a largement influencé l’écriture de l’histoire technique. Les constructeurs germaniques ont naturellement mis en avant leurs pionniers nationaux, reléguant les inventeurs étrangers au second plan.
Cette tendance historiographique explique pourquoi Daimler et Maybach bénéficient d’une reconnaissance mondiale, tandis que Perreaux reste confiné aux ouvrages spécialisés français. Une injustice que les historiens contemporains s’efforcent progressivement de corriger.
La reconnaissance tardive du génie français
Heureusement, les recherches historiques récentes rendent justice à Louis-Guillaume Perreaux et replacent son invention dans sa juste perspective chronologique.
Les preuves documentaires irréfutables
Les archives de l’INPI conservent le brevet original de 1868, preuve légale indiscutable de l’antériorité française. Les dessins techniques détaillés, les descriptions précises et la date officielle ne laissent aucun doute sur la réalité de l’invention Perreaux.
Des témoignages d’époque, notamment dans la presse spécialisée des années 1870, confirment les essais réussis de la machine française. Ces documents historiques établissent définitivement la chronologie réelle de l’invention motocycliste.
L’hommage des institutions
Le Conservatoire National des Arts et Métiers expose aujourd’hui une reproduction fidèle de la machine Perreaux, reconnaissant son statut de première motocyclette. Cette consécration institutionnelle répare partiellement l’oubli historique.
Louis-Guillaume Perreaux mérite amplement sa place dans notre panthéon motard. Ce génie français, injustement oublié par l’histoire officielle, créa véritablement la première motocyclette 17 ans avant Daimler. Sa reconnaissance tardive nous rappelle que derrière chaque grande invention se cachent souvent plusieurs pionniers, et que la postérité ne retient pas toujours le véritable créateur. Rendons hommage à ce serrurier visionnaire qui, le premier, matérialisa notre rêve de liberté sur deux roues.


